Paroles de Tisserands

Le tissage au Maroc

Il existe deux techniques de base au Maroc:

  • Le nouage, dans le Haut-Atlas : les brins de laine sont noués sur les fils de chaîne.
  • Le tissage, dans le Moyen-Atlas : le fil de trame croise le fil de chaîne.

Un être vivant

Aujourd’hui, s’il reste encore des femmes qui travaillent dans leur propre maison, les ateliers collectifs qui produisent pour la vente se sont multipliés.
Traditionnellement, le métier à tisser n’est pas considéré comme un objet inerte mais comme une entité vivante. Pour la tisseuse, le métier est une personnalité qu’elle vénère et salue chaque jour. Le métier reçoit des offrandes, aucun vêtement n’est accroché à ses montants. Il n’est ni traversé, ni enjambé. Une personne de sexe masculin ne passe pas derrière le métier au risque de devenir stérile.
Cette conception s’exprime à chaque phase de la fabrication d’un ouvrage : à l’ourdissage (assemblage des fils de laine qui vont constituer la chaîne) et au montage de la chaîne sur le métier. Au cours de l’installation du métier, rien n’est laissé au hasard : le lieu, l’orientation, et les personnes présentes.

Rituels et protection

Certains symboles tissés ou couleurs de laine protègent contre les forces du mal (l’œil, la main de Fatima, le chiffre 7, le noir…) ; d’autres favorisent la fécondité (le serpent, le scorpion…)
En nouant la laine dans le métier à tisser, la tisseuse se libère de ses craintes et de ses angoisses. Les motifs qu’elle a tissés peuvent être l’objet d’une création, l’expression d’une écriture secrète (représentation de ce qui est tabou) ou la reproduction d’objets familiers.

Une affaire de femmes

Le tissage est un savoir-faire transmis de mère en fille. La valeur d’une femme se mesure à la richesse des œuvres qu’elle a tissées. L’intérieur de l’habitat traditionnel est composé de tapis et de couvertures tissées par les femmes. Les vêtements traditionnels (djellabas, handira, salham…) sont aussi tissés par les femmes. Ainsi, on peut dire que l’homme vit dans  » un univers de femmes « .
Le tissage représente pour les femmes un temps de loisir, de détente après le travail domestique et agricole ; elles mettent à profit le temps de la grossesse pour tisser. Pour une tisseuse marocaine, le lien symbolique entre la création et l’enfantement est très fort.